Autel (a); caisse servant au transport et à la présentation (b). Cinq écharpes de rayonne aux couleurs des cinq Bouddha cosmiques. Nouées bout à bout, elles protègent le Tashigomang durant son transport. 183 x 60 cm env. (c-g). Bandelette de coton, motifs en damier, tissés aux cartons. Maintient en place les écharpes nouées autour du Tashigomang. 438 x 2,6 cm, franges comprises (h). Trois guirlandes de graines provenant de l'«arbre de Brahmâ» (Orixyllum indicum). Tenu pour sacré, cet arbre aurait pressenti la mort imminente du Buddha Shâkyamuni. Les graines sont extraites d'un haricot incurvé, long d'une cinquantaine de centimètres. Ces guirlandes ornaient le Tashigomang lors de sa consécration (offrandes) (i-k). Cet autel portatif adopte la forme d'une pagode à trois étages, réplique du palais céleste de Padmasambhava, le grand maître tantrique indien du VIIIe siècle, traditionnellement associé à l'implantation du Vajrayâna, ou boudhisme tantrique, au Bhoutan comme dans le monde tibétain au sens large. Construit en bois dur, l'autel comporte un axe central, vingt panneaux mobiles, 196 figurines votives en argile moulée et peinte, vingt images peintes (gouache sur toile) et 112 petites portes en bois revêtu d'argent. Divers motifs de bon augure et des cartouches de turquoises et de corail (imitations) complètent l'ornementation. Le Tashigomang est orienté dans l'espace par la présence des Rois-gardiens des quatre orients, au centre des faces externes des panneaux (1er étage). Chaque étage correspond à l'un des Trois Corps du Vajrayâna. Le premier étage - Corps de Transformation - est consacré à Padmasambhava, qui s'est manifesté sous forme humaine. Aux statuettes représentant son aspect usuel s'ajoutent les peintures de ses huit formes principales. Le deuxième étage - Corps de Béatitude - est habité par les Huit Mahâbodhisattva (peints) sur lesquels règne Avalokiteshvara (sculpté), le Bodhisattva ou «Etre à éveil» de la compassion infinie. Le troisième étage - Corps de la Loi - abrite quatre Buddha ou «Eveillés», parmi lesquels le Buddha historique, Shâkyamuni (sculpté). Le Tashigomang fut dûment consacré le 27 septembre 1987 à Thimphu par un rite assurant la présence des divinités. Toutes les figurines contiennent une bandelette de papier imprimé de formules mystiques, en l'absence duquel elles seraient sans vie. La dédicace gravée sur la base en caractères tibétains se traduit comme suit: «Le nommé Kunzang Tobgyel (maître d'oeuvre) se réjouit d'avoir édifié ce Tashigomang à l'image du Paradis de la Glorieuse Montagne - don des Amis du Musée d'ethnographie de Neuchâtel, dans le grand pays de Suisse. Puissent les êtres peuplant ce monde accéder à l'étendue des cieux inaltérables ! Délivrés de la maladie et de la faim, puissent-ils accéder au bonheur ! Délivrés de toute guerre dans l'ensemble du monde, puissent-ils finir par accéder à la dignité de Buddha !» Spécifiquement bhoutanais, l'usage des Tashigomang remonterait au règne du 4e Shabdrung (1791-1830). Liés à la diffusion de l'enseignement tout en assurant une forme de bénédiction, ces autels portatifs sont véhiculés à travers le pays, au gré des marchés et fêtes religieuses, par des laïcs appelés manip («ceux qui chantent les prières»), qui les louent auprès d'un monastère et vivent des offrandes déposées par les fidèles. La caisse, munie de bretelles, est utilisée pour le transport et la présentation de l'autel, qu'une rondelle pourvue de roulements à billes permet de faire pivoter. Les principaux motifs du décor sont: la grue ou «oiseau de longue vie», et les «offrandes des cinq sens», entourés de symboles de richesse. La construction de ce Tashigomang renoue avec une tradition artisanale interrompue depuis plus de cent ans, les quelque vingt-cinq exemplaires encore utilisés étant tous anciens. Pour exécuter la commande du Musée, il a donc fallu faire appel aux conseils du petit-fils (très âgé) du dernier constructeur de Tashigomang.